Plaidoyer en faveur de l’article 49 alinéa 3 « Les publicistes le savent bien, les instruments du droit politique sont multi-fonctionnels : peu importe ce pour quoi ils ont été conçus, ils serviront pour tout ce à quoi ils peuvent être utiles ». Guy CARCASSONNE Il est de bon ton de critiquer l’article 49, alinéa 3 de la Constitution. Abrégé sous la formule aussi pratique qu’inexacte de « 49-3 », on dit de son utilisation qu’elle est « une brutalité », « un déni de démocratie ». Pour certains, « un passage en force », pour d’autres, « un aveu de faiblesse ». À son sujet, il n’est fait l’économie d’aucune raillerie, au risque, parfois, de verser dans la caricature. Néanmoins, il faut reconnaître que l’on serait tenté de concéder, à ce 49-3 bashing, une part de vérité. Il s’agit, tout de même, de considérer qu’un projet de loi est devenu une loi sans l’aval du Parlement. Voilà qu’on apprend qu’une loi n’est pas toujours votée. Elle peut, simplement, être considérée comme adoptée. Cela soulève quelques interrogations sur la séparation des pouvoirs et sur l’efficacité des contre-pouvoirs. Mais est-ce pour autant qu’il faille le supprimer ? Notre contribution consistera à plaider en faveur de son maintien. Nous estimons qu’un cantonnement, de plus, voire, sa suppression, s’écarterait de la logique institutionnelle voulue en 1958. Le doyen Georges Vedel voyait dans la Ve République, trois traits majeurs : l’élection du président au suffrage universel, le Conseil constitutionnel et l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Il est clair que, pour nous, cette disposition est, bien, « l’acmé du parlementarisme rationalisé ». Nous montrerons que toute la vulgate qui consiste à le considérer comme antidémocratique est infondée. Par cela seul qu’il s’agit d’un procédé voulu et adopté par le constituant souverain, il est démocratique. De plus, avant de conduire à considérer une loi comme adoptée, l’article 49 alinéa 3 enclenche automatiquement la mécanique de la motion de censure, donc, la responsabilité du gouvernement devant le Parlement. Illustration parfaite de ce que la séparation des pouvoirs est bien sauve. Que les députés ne s’en saisissent pas, ou qu’elle ait peu de chance d’aboutir n’enlève rien au mérite qu’elle a d’exister. En réalité, les craintes que suscite l’article 49 alinéa 3 s’intègrent dans un contexte problématique plus large : faut-il conserver les dispositifs du parlementarisme rationalisé lors même qu’il existe un fait majoritaire ? Cela ne crée-t-il pas un déséquilibre des pouvoirs ? L’article 49 alinéa 3 fait partie de ces dispositifs. Il a été pensé pour compenser l’absence de majorité. Il n’est pas une innovation de la Constitution de 1958, mais issue des derniers balbutiements de la IVe République agonisante. L’existence d’une majorité parlementaire ne saurait justifier la suppression de l’article 49 alinéa 3. D’abord, le fait majoritaire n’est qu’un fait, rien ne garantit qu’il survivra toujours. On a même pu voir, sous François Hollande, un fait majoritaire frondeur. Sans oublier, ensuite, qu’en dehors des majorités rétives, il a pu, notamment, servir contre une opposition qui, abusant de ses maigres droits, cherche l’enlisement des débats. L’article 49 alinéa 3 permet de surmonter les blocages : le gouvernement peut montrer son activisme, l’opposition, son désaccord, et la majorité, ses réticences. Nous plaidons pour que cette arme de dissuasion, démocratique et efficace, soit maintenue.