Qu’est-ce qu’une bibliothèque d'écrivain? À partir d’où peut-on parler d'une bibliothèque d’écrivain? On sait que le concept moderne d’écrivain est intimement lié à celui d'auteur, deux notions complexes, parfois difficilement définissables, notamment au dix-huitième siècle, véritable siècle charnière qui connait une série de révolutions dans les pratiques de lecture et dans le statut des écrivains. Parmi les changements qui semblent se produire au XVIIIe siècle celui qui investit la fonction auteur est parmi les plus importants. Ainsi, les écrivains commencent à développer des nouvelles stratégies pour témoigner leur activité d’auteurs. Celles-ci comprennent la conservation des manuscrits, par la création de véritables archives littéraires, et de leurs livres, conservés dans des collections qui, au cours du siècle, se différencient progressivement des bibliothèques privées ou de famille et deviennent des bibliothèques d'écrivain. De ce point de vue, le cas de Vittorio Alfieri est exemplaire, du moins pour l’aire italienne. Pour Alfieri, chez qui la réflexion autour de la propriété intellectuelle et de la liberté d’écriture est cruciale, la bibliothèque et les lectures qui ont nourri la genèse de ses œuvres rentrent pleinement dans cette stratégie de construction de l'auteur et acquièrent une valeur symbolique. La bibliothèque, les lectures et les pratiques de lecture matérialisent le lien et l'interaction entre l'acte individuel de la création et l'espace social dans lequel l'écrivain est immergé. Ainsi, la bibliothèque d’Alfieri contribue avec son autobiographie à la délimitation de l'espace littéraire dans lequel l'écrivain agit. Pour la première fois dans l'histoire de la littérature italienne moderne, une bibliothèque privée devient une bibliothèque d'écrivain.