L'expression « Théorie de l'Esprit, TdE » (Theory of Mind, ToM), issue de l'éthologie (Premack & Woodruff, 1978), renvoie aux processus cognitifs qui permettent d'attribuer un état mental (intentions, désirs, croyances, connaissances …) à soi-même ou à autrui, donc de créer des représentations sur son propre état ou celui d'autrui. Cette capacité, critique dans la régulation des interactions sociales, a fait l'objet d'un nombre pharamineux de travaux (près de 350 000 références dans les bases de données) dont une grande partie porte sur des populations présentant des troubles de communication sociale (personnes souffrant d'autisme, de schizophrénie notamment). La littérature est moins riche lorsqu'on associe à TdE le mot clé maladies neurodégénératives (moins d'une trentaine de références depuis 1987). Dans ces travaux, la conclusion la plus fréquente est celle d'un déficit de TdE chez les personnes atteintes de maladies neurodégénératives. Nous montrons que les interprétations qui en sont données varient considérablement selon les modèles de référence des auteurs. L'analyse de ces modèles met l'accent sur la complexité même de cette compétence qu'est la TdE et identifie les points théoriques qu'il reste encore à creuser.