Staphylococcus aureus, bactérie pathogène majeure, est une des principales causes de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) en France en raison de la production d’entérotoxines par certaines souches. Les produits laitiers, en particulier les fromages, sont particulièrement incriminés dans les TIACs à S. aureus. Si la physiologie et la virulence de S. aureus sont largement étudiées en condition de laboratoire, elles sont assez peu documentées dans le contexte fromage. Le fromage constitue un écosystème dynamique et complexe dans lequel S. aureus est soumis à des conditions physico-chimiques changeantes et particulières : divers stress (température, milieu nutritionnel pauvre en acides aminés libres), croissance en milieu liquide puis matrice solide. De plus, S. aureus se trouve en interaction avec d’autres flores telles que les bactéries lactiques (BL), qui, outre leur rôle dans la fabrication du fromage, sont capables de les inhiber. Notre objectif est d’étudier la dynamique d’expression de S. aureus in situ, en matrice fromagère, en culture pure ou en présence de Lactococcus lactis, BL modèle. Afin de mieux comprendre les mécanismes impliqués dans les interactions de S. aureus avec la matrice et avec L. lactis, une puce dédiée spécifique de S. aureus a été utilisée, permettant de suivre l’expression des gènes impliqués dans la virulence, l’adaptation aux stress, le transport de peptides, ainsi que des gènes appartenant au métabolisme central et à la machinerie cellulaire. Le profil d’expression de S. aureus en culture pure en matrice fromagère a été comparé au transcriptome de S. aureus cultivé en mode planctonique en milieu chimiquement défini (MCD) afin de caractériser l’effet de la matrice. Puis, il a été comparé au profil d’expression de S. aureus en culture mixte en matrice fromagère afin de déterminer l’impact de L. lactis. Seul en matrice fromagère, S. aureus reste métaboliquement actif pendant 7 jours et subit un stress modéré. De manière surprenante, l’expression de plusieurs facteurs de virulence sécrétés et notamment des entérotoxines est réprimée par rapport à une croissance en MCD. La présence de L. lactis provoque une légère inhibition de la croissance de S. aureus (1 log d’inhibition à 7 jours) et génère un stress acide. L’atténuation de la virulence est renforcée avec, en particulier, une absence d’induction de deux régulateurs majeurs de la virulence de S. aureus, RNAIII (effecteur du système agr) et sarA. Le stress acide n’est que partiellement responsable de cette inhibition de la virulence. Cette approche transcriptomique in situ, dans des conditions proches des conditions technologiques renforce l’idée d’une relation forte entre environnement, métabolisme et virulence. Une atténuation de plusieurs facteurs de virulence a été observée, imputable à la fois à la matrice et à L. lactis. L’identification des mécanismes à l’origine du potentiel antagoniste de L. lactis sur S. aureus, mais également de la matrice, nous permettra de mieux contrôler les contaminations à S. aureus et de proposer de nouveaux critères pour la sélection des ferments lactiques