L'armée en tant qu'objet de comparaison est appréhendée soit à travers la longue durée historique, comme une variable dépendante du processus de construction des Etats modernes, soit à travers la moyenne durée historique en tant que variable d'ajustement des régimes politiques. Ainsi, les travaux classiques de la politique comparée ont fait des relations entre le pouvoir militaire et le pouvoir civil une des clefs de compréhension du changement qu'il s'agisse de modernisation ou encore de développement politique (Badie, Hermet, 1989). Pourtant c'est la sociologie historique comparative anglo-saxonne, qui en faisant du « War State making » une des variables d'interprétation du processus de formation de l'Etat moderne, va aller le plus loin dans la démonstration (Tilly, 1975 ; Mann, 1988). Charles Tilly est certainement le chercheur qui a poussé le plus loin l'utilisation de cette variable dans une démarche comparatiste en élaborant un modèle des trajectoires étatiques européennes articulé sur le rapport entre « contrainte » (coercicion) et capital (Tilly, 1990). Dans un perspective assez proche, certains comparatistes français ont montré en quoi l'institutionnalisation de l'armée entraîne bien souvent la formation de logiques d'Etat particulières, notamment celle de l'Etat fort à la française (Badie, Birnbaum, 1978 ; Birnbaum, 1982). D'autres auteurs, enfin, soulignent les liaisons dangereuses se produisant dans certaines situations politiques ou les militaires et les hauts fonctionnaires pour défendre l'Etat se muent en « gardiens de l'Etat » (the custodians of the state) constituant ainsi autant d'affinités entre la genèse de pratiques politiques autoritaires et un sens anti-démocratique (Daalder, 1995, p. 125). Au total, on considère que les pluralismes s'est imposé dans les régimes politiques avec ou contre les élites militaires (Linz, 2000)