Le film de Rithy Pann révèle l’une des facettes essentielles du naufrage de la nation khmère dans les années du régime de Pol Pot (1975-1979) : l’importance prise par l’accumulation de documents écrits dont l’ensemble contribue à tisser le mythe national d’une nation rongée par un ennemi intérieur. Dans un enfermement tautologique du discours, chaque prisonnier est ainsi incité à écrire sa bribe d’un récit collectif capable de soutenir la rationalité de ce qui le rend prisonnier, justifiant pleinement le régime à avoir à se défendre contre lui. Cette tautologie s’appuie sur une logique inhérente à l’écrit, lorsque celui-ci est partie prenante du délire : chaque écrit fait preuve, parce qu’il est écrit. Rithy Pann’s film reveals one of the essential aspects of the ruination of the Khmer nation in the years of Pol Pot’s regime (1975-1979) : the importance given to the accumulation of written documents which contribute overall to the national myth of a nation sapped by an inside enemy. Tautologically confined within the discourse, each prisoner is thus encouraged to write his part in a collective account upholding the very rationality which makes him prisoner and fully justifying a regime which must defend itself against him. This tautology relies on a form of logic inherent to writing, when it adheres to delusion : each writing is proof, because it is written.