Inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, le Domaine National de Chambord (DNC) est connu internationalement pour son château de la Renaissance, patrimoine architectural exceptionnel, mais désormais aussi pour son parc forestier, tout aussi chargé d’histoire. Le passé de ce Domaine est fort bien documenté (archives écrites, cartographiques, photographiques…) et y mener une analyse géohistorique s’impose donc pour mieux comprendre ses caractéristiques actuelles, son organisation spatiale mais également sa richesse faunistique et floristique. Cette analyse s’impose d’autant plus que s’observe une volonté de faire ressurgir certains éléments paysagers passés lié au parc forestier dans le cadre d’un renouvellement de l’offre touristique à destination des visiteurs. Les vignes qui avaient disparu ont par exemple été récemment replantées. Reconstituer les dynamiques s’impose donc pour comprendre les paysages actuels. Toutefois ce parc boisé ne peut être considéré comme n’importe quelle forêt. Le DNC constitue en effet un territoire particulier puisque, depuis le XVIe siècle, il est encerclé de murs qui l’isolent de la Sologne où il est implanté. Pour autant, le DNC abrite une importante biodiversité végétale et animale (ongulés sauvages – cerfs, chevreuils, sangliers –, petits rongeurs, oiseaux). Sa singularité résulte aussi du fait que c’est un parc forestier dédié à une activité de loisirs : le DNC est un lieu de chasses, royales et jusque récemment présidentielles. Depuis 1947, il est soumis au régime forestier et il est reconnu comme réserve nationale de chasse (statut qui a été reconfirmé en 1974). Comment ce domaine boisé a-t-il évolué depuis cette date ? Surtout, a-t-il connu une trajectoire particulière du fait de ses spécificités (parc emmuré, dédié à la chasse) ? Quelles en sont les incidences sur les paysages actuels ? Les travaux présentés ont été menés dans le cadre d’un projet qui s’inscrit dans une dynamique de recherche relevant du chantier thématique « Chambord-Château », porté par le réseau « Intelligence des Patrimoines » (soutenu par la Région Centre-Val de Loire). Par une approche pluridisciplinaire et intégrée des paysages, ce projet interroge le rôle des ongulés sauvages (cerfs et sangliers) comme acteurs de dynamiques des écosystèmes contemporains. Il nécessite de comprendre comment l’évolution et la diversité des usages (chasse, agriculture, foresterie) ont façonné les paysages actuels et les habitats qui les composent, et réciproquement comment les paysages actuels peuvent contraindre l’utilisation qui en est faite par les ongulés sauvages et se répercuter sur d'autres compartiments des écosystèmes. Afin d’apporter des éléments de réponse, nous menons une analyse géohistorique des paysages sur le DNC. Mais au regard de ses spécificités évoquées, il nous est apparu opportun de replacer ce parc dans son environnement, l’ouest de la Sologne, en comparant les trajectoires : sont-elles similaires ? La démarche construite mobilise des sources cartographiques (carte des peuplements forestiers, carte d’état-major…) et iconographique (gravures, photographies) mais également textuelles (carnets de chasse) et de télédétection (photographies aériennes). L’analyse menée emboîte trois échelles spatiales : l’ouest de la Sologne, le DNC et une sélection de parcelles faisant l’objet d’investigations en écologie. Les trajectoires sont remises dans leur contexte historique à une plus grande échelle temporelle (depuis le XVIIe siècle) mais l’étude se focalise sur la période postérieure aux années 1950 pour laquelle il existe des données sur la faune sauvage. Nous présenterons ici les premiers résultats qui se fonderont surtout sur deux états des lieux, l’un dans les années 1950, l’autre actuel. Confrontés dans un Système d’Information Géographique, ils révèlent les grandes dynamiques qui ont affecté l’occupation des sols dans et hors des murs du DNC et permettent de mieux comprendre l’organisation spatiale actuelle de ce parc riche en biodiversité.