Cette recherche avait pour but de faire l'examen critique de nouvelles dispositions touchant à la programmation et à l'organisation spatiale de la rénovation urbaine expérimentale (mélange de statuts d'occupation des logements, réseau dense de circulation piétonne, juxtaposition neuf/ancien, architecture novatrice). Les occupants d'un nouveau quartier ont été observés durant deux années selon une méthode ethno-sociologique (journal familial, entretiens individuels périodiques, entretiens en groupe). L'analyse rend compte de la configuration actuelle des rapports sociaux locaux et répond en ce sens à l'étude ethnographique demandée. Mais un certain nombre de phénomènes incitent à déplacer la problématique initiale. Les habitants du nouveau "vieux Givors" ne font pas qu'occuper plus ou moins bien une organisation spatiale très préconçue. Par leurs conduites et leurs représentations, ils "posent" les problèmes d'espace et de société locaux autrement que les aménageurs ne le font. Les enjeux se déplacent. Les hiatus entre l'usage prévu et l'usage effectif portent beaucoup moins sur la dimension du symbolique et de l'imaginaire. Ainsi, lorsque l'aménageur tente d'estomper le heurt entre l'ancien et le nouveau en convoquant un passé collectif très convenu et en "paysageant" des symboles très généraux (le kiosque à musique, la ruelle), l'habitant constitue son espace quotidien à partir d'une symbolique évènementielle et anecdotique (tel souvenir de fête de quartier disparue, tel signe spatial du paysage). En ce sens, la disparité entre un code symbolique présuposant l'habitant-type et la constellation de micro-systèmes symboliques dont les contradictions et les intersections indiquent la nature des formes de sociabilité en train de se constituer dans ce quartier, apporte de nouvelles illustrations sur la coexistence antagonique des deux rhétoriques en jeu dans l'espace urbain : celle de l'aménagement et celle de la pratique quotidienne.