Les guerres affectent les conditions d'existence des acteurs. Néanmoins, les mémoires que les générations suivantes s'en construisent sont souvent plus durables que leurs retombées immédiates. Ce fait est observable dans le cas finlandais après la Première Guerre mondiale. Le Grand‐Duché ne possédait pourtant plus d'armée en 1914 et ses ressortissants avaient été dispensés de service militaire en échange d'un impôt spécial. Tandis que des centaines de milliers de Baltes et d'Ingriens subissaient la conscription, les Finlandais ne pouvaient en principe qu'être conviés à des travaux de défense. En outre, jusqu'à la fin 1916, ils souffrirent assez peu du rationnement. Bien sûr, la guerre eut des répercussions sur la vie des gens, mais sans prendre le caractère insupportable qu'elle pouvait avoir dans maints pays belligérants. En réalité, les conséquences du conflit ne furent durement ressenties qu'à partir de la Révolution de Février 1917, puis, dans toute leur horreur, au moment de la guerre civile de 1918 puis de l'atroce répression qui s'ensuivit. Ce dernier épisode, qui vit mourir presqu'autant de personnes que la célèbre Guerre d'Hiver de 39‐40, entretint la mémoire douloureuse des vaincus. Quant aux vainqueurs, pour légitimer la cruauté du dénouement, ils se bâtirent une aura de patriotes intransigeants, quitte à prendre des libertés avec l'histoire.