L'école dite de Chicago apparue dans les années 60 et forte de plusieurs prix Nobel d'économie fait chaque année les délices des étudiants auxquels nous tentons, avec un succès somme toute relatif, de faire apprécier les subtilités portées par un courant monétariste fondé par Milton Friedman aujourd'hui disparu. En revanche, et sans doute à tort, nous sommes souvent plus discrets quant à une autre impulsion scientifique majeure donnée à la même période par cette même Université, impulsion qui s'est depuis lors structurée, enrichie, diversifiée, répandue, pour s'apparenter aujourd'hui à un pan important de la Science économique, pour ne pas dire à une nouvelle discipline : l'analyse économique du droit ou « Law and economics », dans sa version anglo-saxonne. Certes les économistes ont toujours été attentifs à la matière juridique mais le dialogue entre les deux disciplines est devenu plus étroit encore à la faveur de travaux désormais foisonnants. A ce titre l'ouvrage collectif, dirigé par Bruno Deffains et Eric Langlais paru fin 2009 aux éditions de Boeck et rédigé en langue française, offre une formidable opportunité de faire un point sur les avancées et les questionnements ouverts par ce champ en devenir. D'abord marquée par ses racines ultralibérales, cette analyse s'est depuis émancipée de ce cadre qui envisage « la règle juridique comme une contrainte » pour investir d'autres référentiels théoriques. De même, elle a diversifié ses méthodes pour passer d'une analyse microéconomique intéressant plutôt le droit privé à une approche plus globale relevant de la macroéconomie et interrogeant les règles du droit public. Parallèlement, elle s'est étendue au plan géographique et contextuel (pays dotés d'un droit de Common Law vers pays pourvus d'un droit civil) Elle a également évolué d'une approche positive étudiant les effets du droit sur les comportements stratégiques des agents pour investir une ambition plus normative visant à définir ou à anticiper, comme dans le cadre européen ou à destination des démocraties naissantes, le meilleur système institutionnel possible en termes de croissance, d'emploi et de répartition des richesses, bref en matière de développement. Ce sont donc aujourd'hui plusieurs analyses du droit qui coexistent et se développent à la faveur de programmes de recherche pluridisciplinaires.