L’évaluation des écosystèmes pour le Millénaire (2005) a mis en évidence que les écosystèmes rendaient un certains nombre de services dont bénéficie l’humanité (production de nourriture, régulation du climat, etc.), et qu’il était nécessaire de gérer ces services de façon durable. Or cet objet de gestion que sont les services écosystémiques pose des questions inédites vu sa complexité, le manque de connaissances qui y est associé et le fait qu’il soulève un enjeu de bien commun. Le mémoire consiste en une analyse détaillée d’un cas de mise en oeuvre d’une politique communautaire dans une plaine d’agriculture céréalière intensive, visant à concilier deux services antagonistes, la conservation de la biodiversité patrimoniale et la production agricole. Dans un premier temps, la conception des Directives Oiseaux et Habitats est retracée pour en comprendre les objectifs et les moyens prévus pour les atteindre. Puis un cas empirique est étudié, pour lequel la progression de la mise en oeuvre de la politique a consisté à surmonter diverses crises. L’étude révèle que le dispositif imaginé par les concepteurs de la politique environnementale n’a pas été exactement suivi. Un acteur non prévu au départ, le Centre d’études Biologiques de Chizé (CNRS), a contribué à surmonter diverses difficultés inhérentes à la mise en oeuvre de Natura 2000. Ce centre de recherche s’implique dans la conservation de la biodiversité patrimoniale à deux niveaux. D’une part il produit des connaissances scientifiques et les mobilise pour cibler des actions de conservation efficaces et acceptables. D’autre part il joue un rôle dans le pilotage de l’action collective au niveau du site Natura 2000 étudié. L’étude de ce cas, qui mobilise les théories de la conception, met en évidence que la mise en oeuvre d’une politique publique dans un contexte de grande incertitude nécessite un processus de conception, pour lequel il faut mobiliser des acteurs compétents et mettre en place des mécanismes d’apprentissage collectif. L’analyse souligne la nécessité d’adapter la mise en oeuvre et l’évaluation de politiques publiques selon le degré d’incertitude et de complexité de l’objet sur lequel elles portent. Enfin, de nouvelles perspectives sont formulées pour instruire la question de la gestion des services écosystémiques en tant que bien commun.