Dans Le Mystère de la Charité de Charles Péguy (The Mystery of the Charity of Charles Péguy) apparaît une expression, en français dans le texte de Hill, sans italiques ni guillemets, qui résume admirablement l'impression générale que dégage son œuvre poétique : « true tempérament de droite » (SP p.132, SAH p.85). Car Hill n'est pas à proprement parler un idéologue, il ne milite pas pour des idées bien clairement exprimées, et la dimension politique de ses poèmes ne se distingue pas d'une vision générale du monde, une Weltanschauung aussi désespérément affirmée que radicalement diffuse. Bref, il s'agit bien d'un tempérament et non pas d'une théorie, d'une manière d'être au monde et non pas d'une démarche militante. L'idéologie, chez Hill, est affaire de couleur au sens quasiment génétique du terme. Cela relève presque de l'atavisme et de l'ontologie. C'est en somme une idéologie bon teint : l'anglais dirait dyed-in-the-wool. Geoffrey Hill démontre un tempérament de droite pour ainsi dire congénital, qui va de pair avec la fierté qu'il éprouve d'être issu de la classe ouvrière britannique, fils et petit-fils de policeman, désormais professeur de littérature anglaise et de théologie à l'Université de Boston, dans le Massachusetts, et dont la seconde épouse, Alice Goodman, d'origine juive, a été ordonnée prêtre dans l'Église anglicane. Poète écrivant à l'époque postmoderne, Hill écrit une poésie qui se prête mal à l'approche décontextualisée de ce qui s'appelait naguère la Nouvelle Critique, tant son œuvre est imprégnée des circonstances qui sont celles de la vie et des pensers de l'homme et de son entourage. Geoffrey Hill est en passe de rejoindre le nombre des poètes qui forment le canon de la poésie anglaise, mais il est d'abord le chantre, non pas d'une classe sociale, mais d'une famille idéologique, dans la définition de laquelle comptent pour beaucoup la Nouvelle Angleterre, une profonde culture biblique et certaines origines populaires anglaises.