Ce livre est le résultat de plusieurs années consécutives de dialogue intense au sein d’un groupe de chercheurs italiens, algériens, tunisiens, marocains et français, appartenant à des générations différentes, coloniales et post coloniales, formées en français, en arabe et en italiens, les trois parfois. Il aborde la question de « l’après colonie » au Maghreb par un autre bout que celui de la mauvaise conscience, voire de la critique des sciences sociales occidentales. Contournant les débats idéologiques et les polémiques épistémologiques actuelles, qui en fait, ont déjà eu lieu il y a plusieurs décennies, il se tourne, dans une démarche clairement micro-sociale, vers des objets et des sources qui n’ont jusqu’ici que rarement attiré l’attention : populations migrantes travailleuses ou combattantes sur le sol africain, lieux de production directe inscrits dans la chair des territoires, élaborations conflictuelles d’identités, pratiques de fabrication de liens au long cours dont les traces constituent aujourd’hui un patrimoine proprement maghrébin en même temps que nécessairement partagé avec d’autres. Ce faisant, il met au jour, entre présent et passé, des pans entiers de la vie de sociétés maghrébines du XIXe au XXIe qui se révèlent complexes et mixtes, ce que l’absence d’une véritable ethnographie du temps colonial a rendu invisible jusqu’à ce jour. Il permet ainsi d’énoncer certaines au moins des questions, informulées voire informulables, que se posent, pour le moment à l’aveugle, les nouvelles générations des deux rives. Pour la première fois, un collectif de chercheurs engage ici un désir commun de savoir(s) croisés par delà les frontières, et une volonté d’être les auteurs dialogiques d’un tableau partagé du Maghreb contemporain.