L'étude présentée s'interroge sur le lien entre les deux modes de légitimation, juridique et sociale, du temps de travail. Prenant appui sur une analyse de l'émergence du temps de travail comme norme juridique et sociale au XIXème siècle, l'article se propose d'examiner ce caractère hybride du temps de travail par une approche sociologique portant sur les régulations, sur les négociations et les conflits à propos de la norme. L'enquête monographique d'accords sur le temps de travail dans deux entreprises montre les tensions entre les règles juridiques et les pratiques coutumières du temps de travail. Dans un premier cas l'infraction à la durée légale du travail est accompagnée d'une gestion clandestine des heures supplémentaires approuvée par le syndicat et la direction. Dans le second cas, l'entreprise déroge légalement à la convention collective pour modifier les règles concernant le repos hebdomadaire. L'article montre que l'évolution des usages sociaux de la loi dépend de la situation de l'entreprise et notamment de l'emploi. Au lieu d'opposer alors la composante juridique à la composante sociale de la norme temporelle, il s'agirait plutôt de comprendre les relations de réciprocité de ces deux sources de légitimité dans la construction des règles effectives du temps de travail.