L'histoire de la linguistique se caractérise par les concepts qu'elle modèle et remodèle, mais elle est aussi faite de ceux qui ont pu émerger et prospérer un temps avant d'être abandonnés, évincés par de nouvelles orientations. Le " jugement de l'oreille " semble être de ceux-là : de la Renaissance, qui l'emprunte à Cicéron et Quintilien, jusqu'au XVIIIe siècle, en passant par les Remarqueurs de l'Âge classique, le discours des grammairiens comme des rhétoriciens recourt avec constance à cette référence au sensible. Le volume présente un parcours en deux étapes : le moment où l'idée de " jugement de l'oreille " prend forme et celui où, recevant des déclinaisons nouvelles, elle se diffracte, au risque de se déliter. Des spécialistes de chaque période invitent à redécouvrir, du XVIe au XVIIIe siècle, les interprétations successives d'une idée un temps délaissée par les linguistes ; leurs analyses offriront des soubassements historiques aux recherches contemporaines sur le sentiment linguistique.