La Vita de Ségolène écrite dans la seconde moitié du VIIe siècle est la seule source méridionale pour cette période concernant une sainte. C'est dire l'intérêt qu'elle est en droit de susciter chez l'historien. La datation de ce récit est assez fiable grâce aux nombreux emprunts faits par son auteur à la littérature hagiographique, en particulier aux Vies de sainte Radegonde, de saint Germain d'Auxerre et de saint Colomban ; cette dernière étant écrite vers 643 par Jonas de Bobbio marque la limite ante quem. On sait par ailleurs que le biographe de saint Wandrille utilise aux environs de 700 la Vita Sigolenae pour modèle, ce qui tient lieu de limite post quem. L'hagiographe n'a peut-être pas connu la sainte, mais il écrit peu de temps après sa mort, suffisamment du moins pour connaître les noms des membres de sa famille ainsi que les lieux précis où elle vécut. Certes, ses emprunts permanents à d'autres vitae et les modèles de vertus qu'il cherche sans cesse à rappeler brouillent considérablement la lecture historique de ce texte. Néanmoins, une fois décanté de ses scories propres au genre hagiographique, le texte offre de précieux renseignements sur l'aristocratie franque et la condition féminine au VIIe siècle. La vie de Ségolène est conforme au rôle qu'on attend des femmes au sein de leur parenté : fille, épouse, puis veuve consacrée, mise à la tête d'un monastère familial, morte en état de sainteté, elle a contribué, à toutes les étapes de sa vie, à servir les ambitions politiques de sa famille dans l'Albigeois, et, au-delà, en Austrasie. Le développement de son culte qui va de pair avec la rédaction de sa Vita a très certainement été orchestré par son groupe de parenté afin d'étendre sa zone d'influence, en utilisant ce merveilleux instrument de propagande qu'est la Vie d'un saint.