La prise en compte impartiale du bien-être de chacun et de la valeur de chaque vie motive un idéal d'égal traitement des individus, consistant en une égale sollicitude et un souci égal du bien de chacun. Ainsi l'impartialité, conçue comme une préoccupation individualisée du bien de chacun, sous-tend l'égalitarisme. Elle conditionne, en outre, le désir d'une extension du principe de l'égalité de traitement, au-delà du domaine politique et juridique. Elle nous incite à vouloir plus d'égalité que nous n'en avons et à promouvoir, face à l'inéquité des inégalités sociales, l'égalité comme idéal social. Or la revendication d'égalité de traitement est spécifiquement pertinente, concernant des inégalités produites par le système social – plus encore que concernant les inégalités en général – car une société qui permet l'existence d'inégalités importantes entre ses membres, quant aux avantages et aux désavantages dont ils ne sont pas responsables, est manifestement incapable de les traiter également (c'est le cas, par exemple de l'inégalité résultant des choix du marché ou d'une priorité accordée délibérément à certaines personnes). Néanmoins la question de savoir si l'on peut attendre des hommes, tels qu'ils sont réellement constitués, qu'ils adhèrent à un idéal social fortement égalitaire ne constitue pas une question simplement empirique. Il s'agit, bien plutôt, d'une question morale de type kantien. Elle revient à se demander « quel type d'arrangement résistera à l'épreuve de l'acceptabilité (au sens de la non-rejetabilité), quel que soit le point de vue où l'on se place, pour juger ce système acceptable ». Peut-on penser qu'un système, respectant et visant à implémenter la valeur de l'égalité rencontrera une acceptabilité unanime ?