Cette contribution se propose d'observer le genre épistolaire tel qu'il se pratique aujourd'hui par les citoyens français dans le cadre d'une communication institutionnelle et d'examiner les modalités de l'appropriation des normes épistolaires (Adam, 1998, 2005), les potentialités signifiantes offertes par le genre dans la perspective de la constitution d'un positionnement en rapport à la norme requise et de la construction de l'identité du citoyen français au quotidien. Qu'il s'agisse de lettres de clients ou d'allocataires d'aides sociales, ces « écrits vers le travail » (Equoy-Hutin, 2003, 2006), en tant qu'il s'inscrivent dans un projet argumentatif (Amossy, 2000) affirmé de la part du citoyen scripteur, détiennent, révèlent et construisent des dimensions qui dépassent ce projet initial et participent de l'inscription et la participation du citoyen à la société contemporaine. Cette communication en Analyse de discours (Maingueneau, 1991, 1995, 2005) ambitionne d'extraire de ces courriers spontanés et des comportements sociolangagiers qui s'y révèlent, les dimensions sociales, historiques, culturelles, idéologiques et doxiques (Amossy) qui les animent sur ce second plan de lecture (représentation de soi, du service public, de l'autorité institutionnelle, ...). En d'autres termes, cette observation d'écritures ordinaires (Fabre, 1991, 1997) permet en outre de montrer que, loin de s'opposer, « norme » et « écart » entretiennent des rapports qui ouvrent sur la richesse de ces écritures a priori exclusivement utilitaires et trop peu prises en considération.