La dématérialisation quasi-généralisée de la relation de service (E-administration, Ebanking, E-commerce...) oblige à repenser la relation entre l'usager et le prestataire de service, avec notamment une contribution et un rôle beaucoup plus actifs demandés à l'usager. Cette question paraît d'autant plus primordiale que ces changements touchent tous les usagers, y compris (et surtout) ceux en situation d'handicap qui devront, dans le cadre de leur relation avec l'administration (déclaration d'impôts, demande/saisie de formulaires, recherche d'informations...) privilégier le canal internet pour réaliser leurs diverses démarches à distance. Les enjeux sont importants car si d'un côté, l'usage des E-services peut (re)donner des capacités d'action, d'interaction et d'information desquelles ces personnes avaient pu être privées -en leur offrant notamment une (nouvelle) reconnaissance mais aussi un nouveau rôle social (par l'autonomie recouvrée...)- ; de l'autre, l'absence de prise en compte des caractéristiques de ces usagers à besoins spécifiques dans la conception des services électroniques peut également avoir pour effet d'accentuer davantage encore l'exclusion sociale dont ils sont victimes en raison d'un environnement technologique trop complexe et inaccessible (notion de "plafond de verre numérique" de Bobillier Chaumon & Sandoz (2006 ). Or, selon diverses études (Beckett, 1997 ; Braillenet, 2002 ; Fagan & Fagan, 2004, Coopérative AccessibilitéWeb 2007), plus de 75 % des sites administratifs internationaux présenteraient des défauts d'accessibilité de niveau 1 (point de contrôle WAI (W3C-WAI, 2005), c'est-à-dire rendant l'accès impossible à des personnes handicapées. Autant dire que cette fracture numérique renforcerait la stigmatisation sociale des personnes handicapées. Dans cette communication, nous présenterons les résultats de l'étude ADELA (Administration Electronique Accessible) financée par le ministère de la recherche et des nouvelles technologies). Cette recherche s'inscrit dans le cadre du projet de décret 47 sur l'accessibilité de l'administration électronique (loi "Egalité des droits et des chances de février 2005). Nous exposerons les difficultés d'usage que rencontrent les personnes handicapées (ici aveugles) lorsqu'elles interagissent avec des E-services (ANPE et collectivité locale). A partir de tests d'utilisabilité effectués sur vingt sujets (valides et non-voyants), nous nous focaliserons sur les stratégies déployées pour atteindre les objectifs demandés et sur les coûts de telles démarches. Nous monterons que l'efficience, l'efficacité et la performance de ces stratégies varient selon le niveau d'accessibilité des services (variable technologique) mais aussi selon le niveau d'expertise des usagers (variable inter-individuelle). Dans certains cas en effet, le score des experts déficients visuels s'approche de celui des personnes valides.